Ulaanbaatar, le 25 Septembre 2009

A LA DECOUVERTE DES TERRES DE L'OUEST


Fin août, nous prenons un bus de Ulaanbaatar vers la province de Bayan-Olgii, à l'Ouest du pays.

           

Le départ laborieux nous laisse un peu dans l'incertitude quand à  la suite du voyage. En effet, nous restons déjà plus de trois heures à la station de bus le temps de charger le véhicule. Celui-ci est plein à craquer. Bagages, paquets en tout genre et passagers sont entassés à l'intérieur. Nous nous sentons vraiment à l'étroit sur notre petite banquette de deux places où le dossier s'arrête à mi-dos. Après trois quarts d'heure de route, nous nous arrêtons pour décharger une partie des bagages, quelques passagers changent de bus et embarquent dans un second bus où se trouvent des poules en cage. 

           

Nous prenons ensuite la route du Sud puis de l'Ouest et traversons les provinces d'Övörkhangaï, Bayankhongor, Gov-Altaï et Khovd. Le trajet durera ainsi 64 heures, nous passerons trois nuits et deux jours dans le petit autobus. Quelques problèmes mécaniques nous arrêteront de longues heures au bord des pistes qui sillonnent le nord du désert de Gobi.

           

Les paysages que nous traversons sont arides, plats, sans aucune végétation. Les seuls reliefs sont ceux des yourtes et des troupeaux de bétails. Les habitants vivent ici à l'année, offrant à manger aux routiers et élevant leur bétail. L'élevage de chèvre est courant dans le désert, le cachemire qu'elles fournissent est de meilleur qualité dans cette partie de la Mongolie. Les couchers de soleil sur ces grandes plaines sont magnifiques et s'accompagnent de chants mongols traditionnels ou de parties de cartes endiablées à l'intérieur de notre bus. La nuit, il nous donne le sentiment d'être un bateau perdu dans l'immensité noire d'un océan de steppes.

           

Au cours du trajet nous sommes progressivement adoptés par les voyageurs qui viennent discuter avec nous et nous poser des questions sur notre pays et notre voyage. L'ambiance est sympathique et conviviale, cela rend le trajet plus agréable. Au terme des 64 heures, une petite communauté s'est créée.

           

En arrivant à 8 heures du matin à Olgii, nous découvrons petit à petit la ville. Cette petite bourgade est à majorité kazakh comme l'ensemble de la région. Le centre ville gravite autour d'un grand square. D'anciens immeubles soviétiques bordent les rues et donnent à la cité un air vieilli et abandonné. L'impression d'atteindre le bout du monde se fait sentir. L'activité de la ville est régulièrement entravée par des coupures d'électricité qui durent souvent toute une journée voir plusieurs jours.

           

Le matin même, nous rencontrons Céline, une française expatriée à Shangaï, puis, Mike un américain et Uuganaa son ami mongol. Nous proposons aux trois compères de se joindre à nous pour aller dans le massif de l'Altaï. L'équipe se met en place et nous trouvons rapidement une voiture et un chauffeur que nous baptisons immédiatement Sergent Garcia du fait de son physique. Nous partons pour une semaine, espérant avoir un bon créneau pour visiter un peu le massif.

           

Après l'achat de saucisses de cheval séchées, nous voici en route sur les pistes de l'ouest. Nous récupérons le permis militaire de zone frontalière à 70 km d'Olgii à la base de Tsagaanuur et continuons à l'Ouest en direction du parc Altaï TTavan Bogd. Sur la route, le temps se gatte rapidement. Le vent forci, la neige commence a tomber et un brouillard épais réduit notre visibilité. Nous nous retrouvons pris dans une véritable tempête de neige. Alors que nous avons du mal à suivre la piste et que la voiture commence à partir en glissade, une silhouette se dessine à notre gauche. C'est un berger venu voir où étaient ses bêtes, il nous propose l'hospitalité. Arrivés au camp, nous découvrons deux yourtes et un troupeaux de yacks au milieu des rafales de vent et des flocons de neige.

           

C'est avec chaleur que cette famille Kazakh nous accueille alors que dehors la tempête se déchaîne. Nous passons la soirée auprès du poële dans des manteaux de peau de mouton et goûtons au bugnes locales qui remplacent le pain, au fromage, au yaourt et bien sur à un plat de viande de mouton. Un des éleveurs nous montre avec fierté une peau de loup qu'il a récemment tué.

           

Au matin, la steppe est entièrement blanche et le ciel dégagé. L'air est vif et sec. Après la traite des yacks assez sportive et quelques tours de chevaux, nous reprenons la route. Il nous faut arriver aujourd'hui au camp de base du Khuiten pour la partie montagne de notre voyage, nous avons déjà perdu un jour. Mais voilà, la mongolie est pleine de surprises et de richesses et nous,  nous sommes avares de découvertes. Notre route s'allonge quelque peut : nous nous arrêtons chez deux femmes qui veulent nous montrer la fabrication du yaourt et du fromage et nous stoppons à un camp d'éleveurs qui construisent une yourte. C'est avec enthousiasme que nous participons au montage et la famille s'amuse de nous voir mettre la main à la tâche. Les murs sont déjà debout avec la porte. Les quelques meubles de l'habitation et le poële se trouvent à l'intérieur. Nous aidons à dresser et attacher les perches qui forment le toit. Puis nous mettons en place les différentes couches de la toiture et des murs: coton, laine de mouton et coton à nouveau. Les pièces de laine pèsent une trentaine de kilos chacune. Pendant ce temps, Uuganaa part chasser la marmotte au fusil mais il reviendra bredouille.

           

C'est donc en fin d'après midi, après deux jours de voiture que nous arrivons à l'entrée du parc national de l'Altaï Tavan Bogd. Nous voulons rejoindre le camp de base, mais malheureusement la jeep ne passera jamais là première pente à cause de la neige et des pneus archis lisses du véhicule du sergent. Nous redescendons donc passer la nuit à l'entrée du parc et négocions avec des éleveurs du coin 6 chevaux pour le lendemain matin.

           

Quelques problèmes de compréhension, un désaccord sur les prix et surtout la « cool attitude mongole » font que nous ne partirons pas avant l'après-midi. Nous finissons par nous demander si nous allons atteindre ce camp de base.

           

La montée à cheval est une vraie découverte pour nous, c'est la première fois que nous montons plus de cinq minutes sur un canasson et les débuts sont laborieux. Nous sommes tous les deux tombés sur deux tête de mule très fénéantes. Nous avançons si difficilement qu'à pieds nous serions déjà 500 m devant. Mike, le cow boy américain vient à notre rescousse, et après deux grosses claques sur le cul de nos montures, elles se décident à avancer. Nous arrivons au camp après 4 heures de montée. C'est avec soulagement que nous posons les pieds à terre. Nous avons les jambes engourdies et raides.

           

Notre première nuit au camp de base est très froide. L'eau gèle en quelques minutes dans nos bols pendant la préparation du repas. Nous faisons la connaissance de deux mongoles qui passent  une grande partie de l'année ici pour faire des mesures sur le glacier.

           

Au petit matin nous partons avec Mike pour le Khuiten. Céline et Uuganaa restent au camp. Nous remontons la longue moraine qui longe le dangereux glacier Potanii et prenons ensuite pied sur celui-ci. Ce glacier est traversé par une rivière glaciaire qui forme un lit dans lequel il vaut mieux éviter de tomber. Certaines crevasses atteignent les 500 m de profondeur d'après les chercheurs. Mais cette année, il est bien bouché et nous progressons sur une pente douce dans 30 cm de neige fraîche. Arrivé au pied de l'arrête du Khuiten, nous posons le camp. Le sommet ne paraît pas très loin, au bout de l'arrête. Le temps se dégrade rapidement et alors que Mike commence à planter la tente, le vent l'arrache du sol. Nous voyons la toile se gonfler généreusement et s'envoler. Mike se met à courir derrière après avoir lancer son « Oh fuck ! » traditionnel. Pierrick et moi pensons alors que ce coup -ci s'en est finit et que nous sommes bons pour redescendre. Finalement la tente est récupérée, montée et bien fixée. Pendant ce temps le ciel gris de la journée s'est assombris et le vent a finit par nous apporter de la neige qui tombe maintenant à gros flocons. La nuit est très agitée, c'est notre seconde tempête. Dezyle a été prise de maux d'estomac et de diarrhées depuis le matin, elle n'a rien pu avaler. Arrivée sur les rotules au bivouac, elle a dormi toute la nuit.

           

Au matin, nous ne pouvons pas quitter la tente pour tenter  l'ascension, le brouillard est dense et ne nous laisse aucune visibilité. La neige continue également de tomber. Nous nous préparons doucement pour la redescente. Le temps change très rapidement dans ce massif et les vents tournent constamment, il est très difficile d'anticiper. De toute façon, nous ne pouvons pas attendre un meilleur créneau météo car nous devons repartir sur Olgii. Céline doit y prendre un avion pour le Kazakhstan.

           

Cette contrainte fait partie de notre voyage, financièrement nous ne pouvions pas venir ici tout seul, le coût du transport était trop important. Nous avions à coeur de découvrir cette région de Mongolie et elle nous a offert ce qu'il y a de plus précieux : le partage de l'amour de la montagne. Car nos trois compagnons étaient des novices de la marche et de l'alpinisme. Ils ont découverts un nouveau monde et Mike a même pu progresser sur glacier.

           

Venir dans cette région, une des plus reculée et difficile d'accès n'était pas non plus une chose facile surtout avec notre volonté de se débrouiller seul. Nous sommes satisfaits et l'aventure que nous avons vécu pendant cette semaine aura été vraiment enrichissante. Nous avons découvert des paysages magnifiques, nous avons passé des moments extraordinaires avec les populations locales, nous nous sommes improvisés avec joie en cow-boys des steppes, nous avons noué de belles relations d'amitié. 

            
Cette étape est un vrai cadeau pour nous. Elle marque de manière fabuleuse la fin de la première grosse partie montagne du projet, où nous aurons beaucoup donné pendant 3 mois et demi. Elle nous donne vraiment l'envie de voir, de découvrir et de partager encore plus. Un nouveau mot, « nomade »,  s'inscrit petit a petit dans nos esprits. Nous voici nomades sur les routes et montagnes de Mongolie et du monde afin de vivre notre passion.