Katmandou, le 14 Avril 2010


A LA RENCONTRE DES SHERPAS

Nous voici à nouveau en route, à la rencontre du peuple sherpa dans le Solukhumbu. Nous partons avec Pasang, que nous avons rencontré pendant notre mois de montagne précédent et Sharon sa fille de 10 ans.
Notre première étape est la petite ville de Jiri où nous sommes accueillis chez la tante de Pasang qui vit avec sa nièce Pembe. Agée de 18 ans, elle étudie à Jiri, à trois jours de marche de son village d'origine. Pour elle, comme pour de nombreux jeunes népalais vivant dans des régions isolées, l'accès à l'éducation après 10 ans implique un éloignement difficile du milieu familial.
Le samedi est, au Népal, le jour de congé de la semaine et les sherpas ont l'habitude de rester au village et de le passer en famille. Pour ne pas couper à la tradition nous passons donc une journée à Jiri.
Avec une seule rue principale, bordée de quelques lodges et de commerces, la vie du village reste peu perturbée par les quelques trekkers de passage en partance pour la plupart, pour Lukla et les chemins d'accès à l'Everest. Une fois la rangée d'habitations franchie, les champs de pommes de terre et de blé sont juste là. Au détour des petits chemins, nous tombons sur les cours des habitations où les poules et les coqs se mêlent aux jeux des enfants alors que dans un coin le millet fraîchement récolté sèche au soleil. Un peut plus à l'écart, les chèvres et les cochons somnolent à l'ombre de leur abri de bois.
Nous visitons la fabrique artisanale de papier du village qui créée quelques emplois dans une zone essentiellement agricole.

Après cette étape nous prenons la route du village de Pasang. Pour Sharon, c'est la première fois qu'elle fait le voyage et qu'elle entreprend deux jours et demi de marche loin des rues de Katmandou. Pembe nous accompagne également, cela fait 10 ans qu'elle n' est pas revenue dans sa famille.
Le chemin vers Tapting est une succession de collines et de rivières à franchir. Au programme de bonnes montées et de bonnes descentes.
Sur la route nous ne voyons aucun touriste et finalement l'attraction du groupe est surtout Sharon. La petite fille de Katmandou suscite en effet beaucoup d'intérêt dans les villages que nous traversons. De notre côté nous découvrons au fil des étapes la vie locale avec les cultures, l'élevage, les coupes de bois, les constructions d'habitations ...

Après toute cette route nous découvrons enfin Tapting, un village étendu à flanc de colline et la maison de Pasang. La petite habitation est construite sur deux étages. Le rez de chaussée sert au stockage des récoltes et des outils agricoles tandis qu'à l'étage la cuisine donne accès sur une seconde pièce, la chambre commune. Pasang nous montre sa propriété. Les cultures en terrasses qui entourent la maison et où poussent les patates et le blé, le bétail constitué des quelques vaches, de chèvres et de poulets et surtout le vieux gompa (monastère) construit il y a bien des années par son grand père.
Peu à peu nous découvrons la vie du village, rustique et traditionnelle. Je participe à la cuisine avec les femmes et en profite pour apprendre quelques secrets culinaires sherpas. Pendant ce temps Pierrick s'essaye au labour et le travail n'est pas facile derrière la charrue en bois tirée par deux boeufs.
Nous partons en forêt avec les enfants du village ramasser des feuilles et épines de pins séchées pour la litière des animaux. Nous ramenons notre récolte dans de grands paniers d'osier portés avec l'avant du crâne à l'aide d'une sangle. Ce mode de portage traditionnel permet de transporter de lourdes charges, sur de longues étapes. Sur le chemin du retour pour la dernière remontée d'un col je troquerais mon sac avec deux caisses bières portées par un jeune garçon qui s'en amuse beaucoup.
Nous allons également à la rencontre de l'assistant médecin qui s'occupe du dispensaire de première aide du village. Il nous explique que les villageois ont accès gratuitement à 22 traitements de base, ainsi qu'aux vaccinations et à la contraception. Dans cette région, les affections qu'il rencontre le plus sont les maladies de peau, et les maladies respiratoires et digestives. Mais pour les besoins de soins plus importants, les villageois doivent se rendre à Katmandou. Padi, tante de Passang, fera ainsi le chemin du retour avec nous car elle doit subir une intervention chirurgicale à Katmandou. A 45 ans c'est la première fois qu'elle quitte le village et se rend à la capitale.
Nous visitons de nombreux parents de Pasang et Pembe où l'accueil est chaleureux et demande d'avoir un appétit aiguisé. Pour honorer notre venue on nous sert du maïs grillé, des patates bouillies que l'on déguste avec des sauces au piment, du thé et surtout de la chang (bière locale au millet ou au riz). Clin d'oeil à nos compagnes de voyage au Kirghizstan, nous retrouvons même un équivalent du kumis !!!
Le dernier soir au village nous assistons à une cérémonie dans une maison du voisinage. Une trentaine de personnes se sont réunies pour fêter la venue de deux moines, qui, par la lecture des textes sacrés et par leurs prières, devraient assurer au village une bonne année.
Toute les familles se sont cotisées financièrement pour cette occasion et un grand dal baht, du thé, de la stampa et de la chang accompagnent la soirée. Après les prières collectives, les chants et les danses sherpas animent la veillée autour d'un bon feu. Nous nous mêlons avec joie à cette ambiance festive qui se prolonge tard dans la nuit.

Le départ est émouvant et difficile pour l'ensemble de la famille. A nouveau de longues années vont s'écouler avant les prochaines retrouvailles.
Pour nous, il nous remémore notre propre départ de France, il y a bientôt un an...
Nous reprenons le chemin avec les kattas, les écharpes à prières bouddhiste, autour du cou que nous ont offert la mère de Pasang et Pembe pour nous souhaitez un bon voyage.

Pembe ne rentre pas avec nous car sa famille n'est plus en mesure de financer la poursuite de sa scolarité.
Elle voudrait devenir ingénieur en génie civil. C'est un secteur où elle peut trouver du travail au Népal et peut être à l'étranger. Il lui reste deux années avant de terminer sa scolarité de second cycle et de pouvoir entrer dans une formation universitaire à Katmandou. Mais sans financement elle est contrainte à rester au village où son avenir est bien plus incertain et peut être vite voué à un mariage arrangé.

(voir l'opération 110 € pour Pembe)